2.1.1. Processus Hydrodynamiques
Les écoulements hydrauliques sont, soit canalisés pour les cours d'eau en milieu continental ou dans les estuaires, soit sous forme de courant en milieu marin ou lacustre. Ils participent, notamment par le ruissellement, au démantèlement des roches mères et à la mise à disposition des éléments détritiques. Mais leur action la plus notable se situe au niveau du transport et du dépôt des éléments. Le transport d'une particule, le long du trajet qui va la conduire au bassin de sédimentation, n'est pas un phénomène continu et régulier. Il se fait par paliers ou cycles comprenant (1) une mise en mouvement de la particule ou érosion, (2) un transport par roulement ou traction sur le fond, saltation (succession de sauts) ou suspension dans la masse d'eau, (3) un arrêt du transport avec dépôt momentané de la particule sur le fond. Ces trois phases dépendent de trois paramètres :
- le type d'écoulement (laminaire ou turbulent),
- la vitesse du courant,
- la taille de la particule (éventuellement sa forme).
De nombreux travaux expérimentaux, notamment en canal, ont été effectués afin de mieux appréhender le comportement hydrodynamique des particules solides dans un courant. Les plus connus sont ceux de HJULSTROM dont le diagramme ci-dessous montre le rapport entre la vitesse V de l'écoulement et le diamètre D des particules. Ce diagramme d'équilibre détermine trois domaines : érosion, transport et sédimentation.
Le diagramme d'Hjulström comprend des coordonnées logarithmiques, avec, en ordonnée, les vitesses de courant (en cm/s) et, en abscisse, la taille des particules (en mm). On distingue les trois domaines d'équilibre suivants :
- érosion + transport : la vitesse de courant est suffisamment élevée pour provoquer la mobilisation des particules déposées sur le fond (érosion) et les maintenir en mouvement (transport),
- transport : la vitesse est moindre, mais les particules peuvent être maintenues en mouvement alors que celles qui se déposent sur le fond ne peuvent être remises en mouvement (l'énergie nécessaire à l'arrachage des particules est supérieure à celle qui les maintient en mouvement parce qu'il faut vaincre les forces interfaciales),
- sédimentation : si la vitesse diminue pour une taille de particule donnée, celle-ci se dépose.
Les limites de domaines hydrodynamiques
Plusieurs remarques peuvent être faites sur les limites de domaine et le comportement hydrodynamique des particules.
Les limites entre les domaines sont doubles, ce sont des surfaces limites. On constate que celle relative à la limite entre érosion+transport et transport est plus large et qu'elle s'évase vers les particules les plus fines. Ceci est probablement dû au fait que l'érosion est un phénomène complexe et que cette complexité augmente avec les particules les plus fines.
La limite entre érosion+transport et transport montre que le diamètre des grains érodés diminue en même temps que la vitesse jusqu'à un diamètre de 0,2 mm (200 µm), ce qui semble logique. Puis, la vitesse nécessaire à l'érosion augmente, bien que le diamètre diminue. Ainsi, on constate que l'érosion d'une particule de 5 µm de diamètre (argile) nécessite une vitesse de 50 cm/s équivalente à celle qui met en mouvement des graviers de 10 mm de diamètre !
Pourquoi cette disposition qui paraît aberrante ? Ceci est dû au fait les conditions d'équilibre d'une particule déposée ne dépendent pas que de la masse (donc du diamètre), mais il intervient également les forces de liaison intergranulaire ou interfaciale.

Si une particule est soumise à un courant, celui-ci lui communique une force (fc). Pour que la particule soit érodée et mise en mouvement, il faut qu'elle soit arrachée au substrat et vaincre, d'une part, la force de gravité fm, mais également les forces intergranulaires ou interfaciales fi. Pour qu'il y ait mobilisation, il faut : fc > fm + fi1 + fi2 + fn... Or, les forces interfaciales sont d'autant plus grandes que les particules sont petites. Ainsi, les lutites et les sables très fins déjà en partie compactés sont très difficilement érodables.
La limite transport sédimentation se termine sur l'axe des abscisses aux environs de 15 µm. On constate donc, que les très petites particules, < 15 µm, (silts et argile), en théorie ne se déposent jamais, elles devraient rester perpétuellement en suspension. Nous avons vu, en effet, dans le chapitre précédent, que ces très petites particules appartiennent à la catégorie des colloïdes qui sont maintenus en suspension par les forces électrostatiques qui leur sont appliquées. Pour qu'elles se déposent, il faut que se produise la floculation, c'est-à-dire l'agglomération entre elles de plusieurs particules colloïdales.
Examinons, sur le diagramme de Hjulstrom, l'évolution théorique d'une population de particules de tailles différentes le long de la limite transport sédimentation : En A, la vitesse de courant est élevée (50 cm/s), et ne se déposent que les particules grossières (environ 10 mm de diamètre) ; les autres, plus petites, continuent à être transportées. Si le courant diminue pour atteindre 20 cm/s en B, il se dépose alors les particules d'environ 3 mm de diamètre. Le courant diminuant encore jusqu'en C, se déposent les particules encore plus petites (0,3 mm pour un courant de 2 cm/s). Enfin si on atteint des vitesses de 0,3 cm/s, ne se déposent plus que des particules très fines, silteuses, d'environ 50 µm de diamètre. Ainsi, avec une diminution progressive et continue du courant qui passe par exemple de 50 cm/s à 0,3 cm/s, les particules vont se déposer graduellement selon leur taille décroissante pour constituer un granoclassement sur lequel nous reviendrons plus loin lors de l'étude des structures sédimentaires. Si cette diminution de courant s'effectue dans le temps à un endroit donné, on obtient un granoclassement vertical, si cette diminution s'effectue dans l'espace (le long du trajet de transport par exemple), on a un granoclassement longitudinal.
Le classement
Le classement est un paramètre de distribution granulométrique, il indique la façon dont se répartissent les différentes tailles de particules. Un classement est bon ou homométrique lorsque les diamètres des particules se répartissent dans une « fourchette » de valeur (classe granulométrique) étroite. Sinon, le classement est dit mauvais ou hétérométrique. Le classement permet d'évaluer le mode d'action d'un processus dynamique, sa durée, sa régularité, son intensité. Ainsi, sur la plage sous marine, la régularité et la durée d'action de la houle exerce un vannage sur le sédiment avec élimination des particules qui n'entrent pas dans les limites étroite d'une classe granulométrique : le sédiment est très bien classé. Par contre, si l'agent dynamique n'agit qu'épisodiquement avec d'importantes fluctuations d'intensité (comme cela se produit lors des crues fluviatiles), les particules se répartissent entre des limites très larges : le classement peut être très mauvais.
Charge et compétence
La charge ou débit solide d'un cours d'eau est la quantité de matériel exprimée en poids par unité de temps qui traverse sa section. Par exemple, pour la Garonne, la charge, en période d'étiage, peut être estimée à 100 t/jour, et à 100000 t/jour en période de crue. On distingue parfois la charge soluble représentant la matière transportée en solution et la charge solide représentant la quantité d'éléments particulaires transportés. La compétence correspond à la taille maximum (ou le poids maximum) qui peut être déplacé par un courant. Rappelons que l'énergie développée par un courant, souvent appelée potentiel d'érosion, est proportionnelle au débit du courant et au carré de sa vitesse : e=1/2 mv2.
La vitesse du courant, bien qu'elle soit le paramètre essentiel dans le processus hydrodynamique, n'est pas le seul à intervenir. Interviennent également la viscosité et la densité.
La viscosité correspond à la résistance du fluide à l'écoulement. Elle est fonction de la température. Elle diminue, par exemple, presque de moitié lorsque on passe de 0°C à 20°C. Ainsi, les boues se décantent plus rapidement dans les eaux chaudes que dans les froides.
La densité augmente avec la concentration en éléments dissous. La vitesse de sédimentation diminuant avec un accroissement de densité, il en résulte que la sédimentation est moins rapide en mer que dans un lac. La densité augmente également avec une diminution de température, ce qui explique les « plongements » des eaux froides. La densité augmente également avec la charge des eaux. Selon l'importance de leur charge, on reconnaît des eaux turbides et des eaux boueuses. Les courants à forte charge et forte densité s'écoulent sous l'effet de la gravité vers des zones plus profondes engendrant des courants de densité ou courant gravitaires. Ces courants peuvent atteindre des vitesses élevées, une compétence élevée et un pouvoir érosif élevé. On connaît par exemple les coulées boueuses, les coulées de débris, les courants de turbidité, etc..
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