4.1.1.3. Remarques sur les Transformations Secondaires

Nous avons vu, à de nombreuses reprises, que tous les éléments constitutifs des roches calcaires étaient susceptibles de subir des transformations dans le temps. Transformations précoces (syndiagenèse) produites au moment du dépôt ou très peu de temps après ; transformations tardives (épidiagenèse), produites postérieurement. Ces transformations physico-chimiques qui vont transformer un sédiment meuble en une roche cohésive, plus ou moins consolidée, correspondent à la diagenèse au sens large.
L’évolution diagénétique d’une roche n’est pas un phénomène continu, régulier ou irréversible. Au contraire, cette évolution se produit souvent par palier (évolution polyphasée), avec de possibles retours en arrière (réversibilité). Cette évolution va dépendre de l’équilibre physico chimique du milieu d’imbibition.
Trois mécanismes peuvent intervenir dans la diagenèse : la compaction, la précipitation directe ou cimentation, la recristallisation.

La compaction

C’est, en général, un phénomène précoce. Il correspond à un tassement sous l’effet du poids de sédiment. Il s’accompagne d’une perte en eau interstitielle produisant des fractures et des fentes de retrait (ou de rétraction). La compaction est l’un des rares phénomènes diagénétique irréversible.

La cimentation

2Elle résulte d’une précipitation directe de minéraux dits authigènes (parce que formés sur place) à partir des solutions interstitielles qui remplissent les espaces poreux. Cette cristallisation a pour effet de colmater les vides par des cristaux en général de calcite, mais pas uniquement (glauconie, phosphate, fer etc.), et dont nous avons vu, dans le paragraphe précédent, l’architecture.
Parmi les critères de reconnaissance de la calcite de cimentation, la texture joue un rôle important. Des grains jointifs, très bien classés (indices d’un hydrodynamisme élevé) rendent probable la présence d’une calcite de remplissage mais n’excluent pas tout à fait celle d’une matrice micritique. Par contre, une texture flottante exclue l’éventualité d’une calcite de remplissage (les grains, à l’origine, devant être maintenu dispersés par une matrice), sauf dans le cas d’une recristallisation (voir ci-dessous).
La calcite de remplissage est, en principe, constituée de cristaux « limpides », clairs, parfaitement translucides en LPNA. Ceci résulte du fait que ces cristaux proviennent d’une précipitation à partir d’une solution propre, c'est-à-dire dépourvue d’impuretés diverses. Nous reviendrons, plus loin, sur ces caractérisations à propos de la « sparitisation » (transformation d’une micrite en sparite par accroissement de la cristallinité).
Un autre critère de reconnaissance de la calcite de remplissage réside dans l’architecture telle qu’elle à été décrite précédemment, et en particulier la disposition « en frange » tapissant les parois des espaces.
Un autre critère consiste en une disposition de cristaux en plusieurs couches. Chaque couche représente une phase de cristallisation. Il arrive parfois que chacune des couches, ou certaines de celles-ci, soit surlignée par un liseré grisâtre ou brunâtre. Ce liseré correspond à un stade d’arrêt dans la précipitation accompagné du dépôt d’un enduit tapissant les parois. Le tout donne un aspect « zoné ».

La recristallisation

La recristallisation diagénétique est une transformation in situ de la taille, de la forme de l’orientation (transformation morphologique) des cristaux constitutifs des éléments figurés et/ou de la phase de liaison. Cette transformation peut s’accompagner ou non d’un changement de la nature minéralogique ou chimique des cristaux (épigénie ou néogénie)*. Les transformations les plus fréquentes sont l’aragonite en calcite et la calcite en dolomite [Planche_114].

Transformation morphologique

Elle se marque, le plus souvent, par un accroissement de taille des minéraux par « nourrissage » à partir de la solution interstitielle. Le phénomène le plus fréquent est le remplacement d’une matrice micritique par une sparite de néogénie. Ce remplacement se fait selon une évolution de la taille des cristaux de calcite qui, de cryptocristallin, deviennent d’abord microcristallins (microsparite à peine visible au très fort grossissement) puis macro cristallin (sparite). Ce processus est appelé la « sparitisation ». Il est parfois difficile de différentier la sparite ciment d’une sparite de remplacement d’une micrite. L’ambiguïté peut être levée :
– soit par l’analyse texturale, si les grains sont dispersés dans une phase de liaison (texture flottante) à l’origine on avait alors une matrice qui s’est transformée par la suite ;
– soit par l’observation de la limpidité des cristaux (surtout en LPNA) : les impuretés (matière organique, argile, divers oxydes etc..) présentes dans la boue micritique d’origine se retrouvent en inclusion dans les cristaux qui prennent alors un aspect grisâtre en perdant de leur limpidité.

Remarque : Le phénomène inverse appelé « micritisation » [Planche_115] ne correspond pas à un phénomène physico chimique, mais plutôt biologique. Cependant, dans certains cas (peu fréquent), il  semblerait que la micritisation provienne de la recristallisation diagénétique (oolithes, bioclastes). Mais, le plus souvent elle résulte de processus biologiques complexes synsédimentaire (au moment du dépôt ou peu de temps après) faisant intervenir des micro organismes (Algues unicellulaires, bactéries, champignons) selon deux étapes :
apparition de micro perforations (de 2 à 10 µm de diamètre) provoquée, à la surface de l’élément attaqué, par les micros organismes
remplissage des cavités à la mort de ces organismes par de la micrite.
Trois conséquences résultent de cette micritisation :
les éléments ont tendance à s’arrondir
la micritisation est centripète, elle gagne de la périphérie vers le centre
lorsque la micritisation a atteint le centre, elle est complète et toutes structures d’origine est oblitérées, l’élément micritisé devient un « pélétoïde ».
La micritisation est typique des environnements littoraux (supra à infralittoral). L’enfouissement des grains entraîne l’arrêt de la micritisation par manque de lumière. Ainsi, les grains micritisés se rencontrent dans des environnements calmes et à faible taux de sédimentation.

Épigénie ou néogénie

Ces deux termes peuvent être utilisés pour définir le remplacement d’un minéral par un autre. Le remplacement, ou la substitution d’un minéral par un autre peut se faire : soit (1) par l’intermédiaire d’une dissolution suivie par un remplissage du vide laissé par une précipitation, on en revient à la cimentation ; soit (2) par le remplacement progressif d’un minéral (aragonite par exemple) par un autre (calcite par exemple)
Dans le premier cas, toute la structure d’origine disparaît. Dans le deuxième cas, les cristaux de substitution peuvent présenter des dispositions calquées sur les cristaux remplacés. L’architecture ou la structure d’origine (loges, vacuoles etc..) peuvent en outre être soulignée par un film ou un enduit tapissant les parois avant que la diagenèse débute. La structure ou ‘élément apparaît alors à l’état de « fantôme »**. Il peut arriver que la distinction entre calcite ciment et calcite de substitution soit très difficile, voire impossible. Dans ce cas, il suffit de signaler les deux éventualités en se gardant bien de trancher.

** On appelle « fantôme », des traces d’éléments ou de structure floues, peut distincte dans un fond de néogénie.
Imprimer la page Imprimer la Page